ORYNX1.RSSING.COM, December 14, 2021; Disorder at The Border Plus live at Achteckstadl Daniele D’Agaro Giovanni Maier Zlatko Kaucic + Ewald Oberleitner IZK 126

Comme je l’ai déja signalé il y a quelques mois, le percussionniste slovene Zlatko Kaucic est un improvisateur sur qui il faut vraiment compter. Récemment est paru Jubileum Quartet avec Joëlle Léandre Agusti Fernandez et Evan Parker : en cette compagnie de haut vol, notre homme fait plus qu’assurer. Ce n’est pas un nouveau venu. En 1978, encore « jeune », Zlatko a joué avec le légendaire souffleur Mike Osborne a Madrid et ce fut, raconte-t-il, un tres grand moment de sa vie de musicien. Dans les notes de pochette de Round About One O’Clock en duo avec Evan Parker et paru il y a une dizaine d’années, Zlatko mentionne cet instant inoubliable. Car Mike Osborne était un des collegues – copains de ses jeunes années auxquels Evan Parkerétait fort attaché. Evan lui rendait régulierement visite dans sa retraite a la limite du Pays de Galles ou souffrant d’une affection profonde, il s’était réfugié jusqu’a sa mort en 2007. Ce CD Round About 1 O'Clock lui est dédié. L’organisateur du 50th Jubilee du Jazz festival de Ljubljana a eu la bonne idée d’inviter Evan Parker et Zlatko Kaucic pour l’évident intéret musical et pour honorer l’engagement sans concession de cet excellent batteur dans la musique vivante. Dans cette premiere performance, le batteur donne plus que le meilleur de lui-meme. Il invente sur le champ une trame percussive, un flux de vibrations qui cadre parfaitement avec son invité dans une merveilleuse empathie. Et auquel, il répond en jonglant avec les cellules rythmiques libérées, contrariées, inversées, frottements légers, vibrations du cour et de l’écoute entourant les spirales serpentines, tortueuses mais apaisées ou multiphoniques ultra-détaillées et mordantes, cycliques qui peuvent se rapprocher du silence ou de la jubilation des boucles enchevetrées du souffleur. Grâce a une forme d’attentisme presque zen de Zlatko avec ses métaux et ses associations de timbres (crotales, cymbales, petits gongs), ses frappes délicates instinctives , on entend aussi la face intimiste et raffinée du souffleur au soprano questionnant sa mémoire physique des doigtés et des sinuosités alternant fragments mélodiques et articulation de la colonne d’air « hachée menu » ou contorsionnée. Puis se déploient des temps multiples, croisés a l’infini et des énergies croissantes. Une réussite tres convaincante et une véritable sensibilité a l'oeuvre dans les échanges. Deux âmes en communion, une belle capacité narrative … Pour rappel, donc, ce duo publié il y a dix ans...

Le trio Disorder at The Border, soit le saxophoniste Daniele D’Agaro du contrebassiste Giovanni Maier et du batteur Zlatko Kaucic est ici augmenté du contrebassiste Ewald Oberleitner, ce qui nous vaut quelques agiles échanges entre les deux bassistes sous l’oil vigilant du percussionniste. Les membres de Disorder habitent a proximité les uns des autres dans ces Alpes Juliennes qui se partagent sur un territoire autrefois autrichien les régions de Carniole, du Frioul et de Goricka. Une région frontaliere ou les natifs appartiennent peu ou prou a plusieurs ethnies ou communautés linguistiques, d’origine latine, slave ou germanique. J’avais abordé l’écoute d’un album suscité par Daniele D’Agaro avec Alex von Schlippenbach et Han Bennink qui m’avait laissé mitigé. La sauce ne prenait pas vraiment. C’est vrai que Alex et Han sont des artistes impressionnants. Il faut pouvoir se mettre a l’aise dans de pareilles circonstances et se relâcher completement pour atteindre son meilleur potentiel. C’est bien justement ce qui se passe dans ce merveilleux trio de jazz improvisé « modal – free » sans prétention peut – etre, mais ô combien communicatif, chaleureux et finalement réussi. Un jazz libre de partage, d’émotions sinceres et d’ouverture. Propice a l’expression du lyrisme de D’Agaro, que ce soit au sax ténor ou a la clarinette et a la subtile connivence des deux contrebassistes. Le souffleur est ici sous son meilleur jour métamorphosant la lingua franca du souffle free-jazz en une belle histoire. Zlatko ne joue peut etre pas de maniere « brillante »,ici, mais son drumming fluide, sensible et délicat tout autant que foisonnant, quand cela s’y prete, dit l’essentiel, créant les meilleures conditions de jeu et d’espace sonore pour ses trois collegues. Une qualité dans la sonorité qui me fait soudain songer au son de Roy Haynes, quand il remplaçait Elvin chez Trane. Une belle musique collective qui fait vraiment plaisir a entendre.